Abstract

Les tunnels occupent une place particulière dans l’imaginaire et le récit ferroviaire, où ils sont généralement présentés comme l’objet de peurs et de fantasmes irrationnels. Moins connue que l’histoire de leur construction, celle de leur exploitation révèle l’existence d’un risque d’asphyxie qui tend à réévaluer certaines craintes médicales exprimées dès la fin des années 1830, moquées depuis dans le cadre d’un discours visant à décrédibiliser les techno-critiques. À l’aune des archives ferroviaires, judiciaires, médiatiques et techniques, le tunnel se donne à voir comme un espace de travail à la fois incommode, insalubre, et parfois dangereux, bien qu’échappant à toute réglementation visant à assurer la sécurité du personnel. La concentration de fumées et de gaz produits par la combustion du charbon de terre, en l’absence d’une ventilation suffisamment efficace, représente une gêne et un danger bien connu par les mécaniciens et les chauffeurs de locomotives, de même que les agents affectés à la maintenance de la voie. C’est notamment le cas dans les tunnels de montagne, qui se multiplient dans la seconde moitié du XIXe siècle et pour la conception desquels les effets d’une intensification du trafic sont rarement anticipés. La gestion de ce risque, entre innovation technique, alternatives énergétiques et encadrement interne, n’empêche pas la survenue d’incidents et d’accidents qui révèlent l’inadéquation de dispositifs mis en œuvre au cas par cas et devant être sans cesse réadaptés à un contexte d’exploitation en constante évolution. En partant de l’accident du tunnel de Mornay, survenu le 30 mai 1922 et qui fit sept victimes, morts au travail, la communication propose d’interroger, rétrospectivement, les freins matériels et culturels à sa prévention. Elle met notamment l’accent sur l’usage de masques de protection, au cœur de l’argumentaire de compagnies cherchant à se défausser de leur responsabilité et à individualiser le risque.

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