Abstract

Aujourd’hui le bois a le vent en poupe, mais est-ce seulement pour les bonnes raisons­ ? Porté par des politiques de lobbying proactives, il est devenu le vecteur d’une révolution verte préconisant une industrie immobilière décarbonnée et des villes plus durables. Prise dans des stratégies rhétoriques verdoyantes, la filière serait-elle en train de passer à côté du véritable potentiel de ce matériau, qui relève plus de sa constructibilité que de son image ? Une prise en compte de cette dimension requiert de s’intéresser à la fois au passé et au présent de la construction en bois. Elle exige de prendre en compte son histoire constructive et de s’inspirer des expérimentations pionnières menées au sein de laboratoire de recherche et d’enseignement. Par delà l’image vertueuse d’un matériau vert, ces expérimentations peuvent instruire des pratiques susceptibles d’œuvrer à un déploiement du potentiel constructif et sociétal du bois. Yves Weinand (l’IBOIS) et Agathe Mignon (ALICE), tous deux enseignants-chercheurs dans un pays où le bois n’a jamais cessé d’occuper son rôle structurant dans la culture du bâti partagent leur expérience et leur vision autour de l’acte de construire en bois. Rattachés à l’EPFL, l’une des deux grandes écoles polytechniques helvétique, l’IBOIS et le laboratoire ALICE, racontent deux démarches différentes. Là où l’IBOIS œuvre sur les marges du constructible, ALICE transforme le bois en matériau de prédilection d’une mathesis du construire. D’un côté l’IBOIS rend constructibles des ouvrages en bois dont l’ingénierie est à ce point innovante qu’elle nécessite à chaque nouveau projet une réécriture des normes. De l’autre, ALICE parvient à transmettre la sensibilité architecturale par l’acte de faire. L’IBOIS bouscule la capacité de la filière à fournir les éléments nécessaires à certains projets. La recherche allant plus vite que le marché, elle pousse à son tour les plus innovantes des entreprises à réinventer leur rapport au bois. ALICE permet de son côté à l’enseignement de quitter le vase clos académique pour se déployer dans l’espace public matérialisant ainsi dans la ville l’énorme potentiel créatif du bois. Tous deux dessinent les contours d’une utilisation du bois qui renforce la dimension politique, civique et écologique, d’un acte de construction.

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