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Abstract

Les agglomérations transfrontalières n’échappent pas aux politiques urbaines néolibérales visant à attirer de nouvelles populations qualifiées pour « monter en gammes » (Rousseau 2014). Les acteurs de la coopération transfrontalière œuvrent à la fluidification des échanges de personnes et de capitaux, largement soutenus par les programmes de financements européens dont les fonds Interreg sont l’exemple le plus connu. Cette volonté affichée « de transcender les frontières » (Scott 2015) ne saurait faire oublier que de nombreux différentiels économiques, administratif et juridiques persistent et structurent l’espace social local, comme le montrent certains travaux attentifs aux effets sociaux et politiques des mobilités transfrontalières (Bargel 2016; Clément 2018; Latté et Hupfel 2018). On peut alors se demander comment les stratégies d’attractivité de ces agglomérations travaillent les hiérarchies résidentielles entre populations nouvellement arrivées et originaires. Cette contribution entend éclairer les inégalités de logement dans les espaces frontaliers, sous l’angle des (im)mobilités résidentielles. Pour aborder cette question, je propose de construire l’espace des positions résidentielles dans trois espaces frontaliers et de décrire ses hiérarchies au carrefour de données socio-économiques et de différents types de trajectoires résidentielles. Pour ce faire, je me baserai sur les résultats d’une grande enquête téléphonique (N = 3’215) menée début 2020 sur le Grand Genève franco-suisse, l’Eurométropole Lille-Courtrai-Tournai franco-belge et l’Eurocité Basque franco-espagnole dans le cadre d’un projet financé par le Fonds national suisse (FNS). Dans un premier temps, une Analyse des Correspondances Multiples (ACM) mettra en évidence les relations objectives qui structurent l’espace des positions résidentielles à partir de trois éléments : les caractéristiques principales du logement et de son occupation, la satisfaction déclarée des enquêté-e-s quant à leur situation résidentielle, et leur sentiment d’accessibilité aux différentes aménités depuis leur logement. Dans un second temps, après avoir décrit cet espace des positions résidentielles sous l’angle des inégalités socio-économiques, je m’intéresserai à l’effet des trajectoires résidentielles dans ces trois contextes frontaliers. En comparant parmi les populations originaires de chacun des terrains, celles ayant connu une migration dans le pays voisin, celles s’étant rapprochées des marges nationales sans en franchir les frontières et, enfin, celles ayant connu une migration transnationale à plus large échelle, je me demanderai quels sont finalement les enjeux de l’(im)mobilité dans les espaces frontaliers. Dans un contexte marqué par le creusement des inégalités locales et nationales, qui (ne) peut (pas) s’ancrer durablement là où il ou elle a grandi ? Dans quelle mesure une migration résidentielle permet-elle d’occuper une position supérieure dans la hiérarchie résidentielle locale ou, pour reprendre les termes de Fabrice Ripoll, à quelles conditions devient-elle un « déplacement socialement significatif » (Orfeuil et Ripoll 2015, p.121) ? Cette contribution entend au final interroger le rôle des (im)mobilités résidentielles dans la reproduction des inégalités socio-économiques dans les espaces frontaliers. Références Bargel, Lucie. 2016. « Une carte, trois communes et deux États. Conflits pour l’appropriation institutionnelle de pâturages alpins frontaliers ». Norois. Environnement, aménagement, société (238‑239): 85‑95. Clément, Garance. 2018. « Migrer près de chez soi : trajectoires résidentielles et migratoires de membres des « classes moyennes » dans un espace frontalier franco-belge ». Thèse de doctorat. Université Paris-Est. Latté, Stéphane, et Simon Hupfel. 2018. « Des « ouvriers en costume-cravate » ? Mobilité économique et ancrage à droite des classes populaires frontalières ». Politix 122(2): 131‑61. Orfeuil, Jean-Pierre, et Fabrice Ripoll. 2015. Accès et mobilités : les nouvelles inégalités. Lausanne: Infolio. Rousseau, Max. 2014. « Redéveloppement urbain et (in)justice sociale : les stratégies néolibérales de « montée en gamme » dans les villes en déclin ». Justice spatiale | Spatial justice 6: [en ligne]. Scott, James W. 2015. « Bordering, Border Politics and Cross-Border Cooperation in Europe ». In Neighbourhood Policy and the Construction of the European External Borders, GeoJournal Library, éd. Filippo Celata et Raffaella Coletti. Cham: Springer International Publishing, 27‑44.

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