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Abstract

En 1977, Raymond Murray Schafer développe le concept de « soundscape » traduit en français par « paysage sonore ». S’il n’est pas le premier à s’intéresser à l’environnement sonore, il ouvre néanmoins, avec ce terme, tout un champ de recherche dont vont s’emparer les acousticiens, les ethnologues, les géographes, mais aussi les historiens. Au-delà de la dimension visuelle attachée à la notion géographique de paysage, Murray Schafer se demande pourquoi certaines caractéristiques sonores sont attachées à des paysages. Les sons sont susceptibles, autant que les éléments visuels, d’évoquer un paysage, que l’écoutant transcrit parfois en images et en mots, alimentant ainsi tout un régime d’imagination s’appuyant sur son bagage culturel. L’historien des temps précédant l’invention de l’enregistrement sonore dépend de ces transcriptions opérées par les témoins, qui sont aussi des interprétations, ce qui l’oblige à les envisager autant comme les indices d’une certaine sensibilité culturelle du côté de la réception que comme des traces de l’émission sonore. Dans cet article, nous proposons d’étudier les références aux sons de la Laponie à travers une série de récits de voyage français publiés entre 1840 et 1900. À partir des catégories sonores définies par les chercheurs, nous dégagerons les diverses mentions relatives aux sonorités relevées par les voyageurs. Nous montrerons ensuite comment la sélection des sons et leur mémorisation peuvent s’inscrire au sein d’un cycle de l’imaginaire, au sens que le philosophe Gilbert Simondon donne à cette notion. Enfin, nous montrerons qu’au-delà des catégories précédemment définies, le son est un vecteur de souvenirs et de rêveries qui rappellent en creux la situation d’altérité dans laquelle se trouve le voyageur, loin de chez lui.

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