Abstract

Les joueurs et les utilisateurs d’univers virtuels générés grâce aux technologies numériques sont parfois qualifiés d’ « habitants » des mondes qu’ils expérimentent. Mais ce qualificatif, et le concept auquel il réfère, ne sont jamais questionnés précisément. Ainsi, que signifie habiter et peut-on habiter un monde virtuel ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous indiquerons dans une première partie l’importance pour un utilisateur de pouvoir personnaliser un espace afin de l’habiter, car habiter un espace c’est le singulariser, c’est se l’approprier, c’est le « faire sien » (Segaud, 2010). Nous prendrons appui sur différents exemples de jeux vidéo, de simulations ludiques et de mondes virtuels pour montrer que ces diverses solutions offrent des prises aux utilisateurs pour agir de manière plus ou moins significative sur les environnements qu’ils explorent, leur avatar ou encore l’interface du dispositif. Dans la seconde partie, nous expliquerons que le couplage de multiples possibilités d’action d’un individu renforce son sentiment d’immersion ; notamment lorsqu’il n’est pas saisi par une dimension immersive particulière, comme c’est le cas avec les casques de réalité virtuelle qui fournissent une immersion perceptive intense. Nous présenterons différents modèles de l’immersion (Ermi, Mäyrä, 2005 ; Arsenault, 2006 ; Boullier, 2008) et nous clarifierons les notions d’engagement, d’absorption ou encore de présence. Nous considérerons l’immersion comme une condition inhérente à celle de l’habiter dans un monde numérique en 3D, puisque pour habiter il faut pouvoir être « à l’intérieur ». Dans la partie suivante, nous discuterons de l’articulation des concepts de l’immersion et de l’habiter avec celui de l’« incorporation » de Gordon Calleja (2007). Nous évoquerons les phases temporelles micro et macro décrites dans son modèle de l’engagement d’un individu dans un jeu vidéo. Nous montrerons que leur complémentarité permet de saisir des phénomènes d’adhésion, d’ancrage et d’attachement propres à la « persistance » des mondes virtuels et au processus de l’habiter. En conclusion, nous esquisserons un modèle de l’habiter a plusieurs figures (l’habitant, le logeur, le squatteur, le passant, etc.) qui permet de décrire, en complément des modèles existants de l’engagement et de l’immersion, des phénomènes liés aux pratiques et aux usages des utilisateurs dans les mondes virtuels.

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