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Abstract

Analyser les processus politiques complexes et multi-acteurs qui planifient le développement urbain nécessite à la fois de délimiter un objet d’étude assez précis pour être soumis à un examen exhaustif et scientifique et d’appliquer un cadre méthodologique reproductible et fiable. Dans les limites que Katz (1983) propose d’imposer à toute recherche qualitative scientifique – representativeness, reactivity, reliability, replicability – nous avons travaillé à la transposition d’un cadre analytique spécifique, issu de la branche pluraliste de la sociologie des élites américaines, à un objet de recherche ciblé, celui du processus de concrétisation des projets d’urbanisation dans les agglomérations urbaines suisses. L’objet de recherche répond à une ambition plus large, à savoir de circonscrire les effets sur les instruments de l’aménagement du territoire, sur les processus décisionnels et sur les jeux d’acteurs, de la réalisation de projets d’urbanisation supracommunaux dans les agglomérations. Les théories de la sociologie des élites, si elles se sont forgées sur une critique de l’analyse marxiste de l’exercice du pouvoir (Leferme-Falguières et van Renterghem 2001), se cristallisent aux Etats-Unis après-guerre par des courants méthodologiques antagonistes (Scott 2012). Ils se différencient d’abord par leur posture préalable, moniste ou pluraliste, puis par l’objet de leur analyse : image du pouvoir, position du pouvoir ou organisation du pouvoir. Ces distinctions ont forgés des traditions de recherches, dites réputationnelle, structurelle ou décisionnelle. La dernière est pensée en réaction aux deux premières par Dahl (1961), afin de décortiquer le plus finement possible le fonctionnement du pouvoir, et spécifiquement de la prise de décision, dans la ville. Sa méthode appliquée notamment dans le domaine du renouvellement urbain, Dahl la déploie en six étapes successives : analyse historique, analyse approfondie d’une catégorie socio-économique, détermination de l’impact personnel sur certains types de décision, étude d’échantillons d’acteurs secondaires pris au hasard, étude d’échantillon d’électeurs, variantes des types de votes selon les catégories socio-économiques. Clark (1968) adjoint à la méthode décisionnelle, l’impératif comparatiste et propose un déploiement d’une « ersatz decisional method » sur plusieurs villes en parallèle. Cette méthode, de par l’ampleur de son analyse, offre des résultats d’une finesse inégalée sur les processus décisionnels qui font la ville. Choisir de faire traverser à la méthode décisionnelle à la fois le temps – à la pléthore d’investigations empiriques mises sur pied pendant la décennie 1960, n’a fait écho qu’une spectaculaire disparition les décennies suivantes – et l’océan – le terrain expérimenté ayant été majoritairement réservé aux Etats-Unis – ne se fait pas sans doutes ni sans quelques aménagements. Bassand constitue le fil rouge, par sa première transposition de ces méthodes sur l’organisation du pouvoir communal en Suisse (notamment Bassand et Fragnière 1976, 1978, Bassand et Windisch 1974). De la méthode décisionnelle ersatz, nous proposons un dispositif méthodologique en sept étapes : analyse contextuelle historique et géographique ; analyse contextuelle politique ; analyse d’une catégorie d’acteurs ; analyse des interactions des acteurs avec les décisions de concrétisation ; détermination de l’impact des acteurs sur les décisions de concrétisation ; comparaison inter-communale ; comparaison inter-agglomération. La présente communication permettra de présenter les possibilités de la transposition de la méthode décisionnelle, les aménagements réalisés et la pertinence de tirer une approche innovatrice d’une méthode « classique ».

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