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Abstract

Cet ouvrage est consacré au rôle important que le territoire a joué dans l’architecture de Louis I. Kahn. L’un des architectes qui ont contribué au développement de l’après-modernisme, Kahn est très apprécié pour l’apport didactique de son œuvre. Les principes théoriques qu’il a proposés à ses élèves ont conservé leur validité jusqu’à nos jours. Utiles pour des générations d’architectes, ces éléments principaux de sa méthode expriment son désaccord avec l’approche «designer» dans l’architecture, un problème très actuel. À travers ses projets, Kahn s’interroge sur l’essence du métier de l’architecte et il cherche des principes fondamentaux de la conception spatiale. Cependant, l’image de Louis Kahn en tant que «mystique» qui a créé une théorie unique de l’architecture manque un fond contextuel et réel. Nous pouvons définir ce fond comme le contexte historique général de l’époque, mais aussi comme le territoire dans lequel s’investissent les projets de l’architecte. Tandis que le contexte général est considéré par certains des auteurs qui se sont penchés sur l’étude de la philosophie professionnelle de Kahn, le territoire est très souvent ignoré. Pourtant, la compréhension de l’espace-temps de l’œuvre de Kahn peut clarifier non pas seulement le développement de ses projets, mais aussi sa méthode en général. De là vient l’idée d’un ouvrage voué au rôle du territoire dans son architecture. Le mythe de Louis I. Kahn en tant que génie solitaire (lone genius) est nié par Sarah Williams Goldhagen dans le livre « Louis I. Kahn’s Situated Modernism ». Lorsqu’elle dit que «Kahn émerge de la culture dans laquelle il vit», Goldhagen ouvre la porte aux recherches qui se concentrent sur la contextualité de l’œuvre de l’architecte. Ayant choisi elle-même de s’occuper du contexte social, l’auteur démontre que l’œuvre mature de Louis Kahn est dominée par sa volonté de donner aux utilisateurs de ses bâtiments le sentiment d’appartenir à la société et, en même temps, d’offrir un miroir des valeurs humaines qu’elle reconnaît. Goldhagen identifie les efforts de l’architecte pour créer ces lieux uniques sous le terme de placemaking. Défini comme « la fabrication des lieux », le placemaking repose non pas seulement sur un vocabulaire architectural recherché, mais aussi sur une union harmonieuse de l’architecture et du site. Dans cette recherche, nous nous concentrons sur le « contenu » contextuel de l’œuvre mature de Louis I. Kahn. Les questions les plus importantes auxquelles nous essayons de répondre sont: Sur quels éléments du lieu Kahn s’interroge-t-il pour mettre en œuvre le placemaking? Quel est le rôle de ces éléments? Est-ce qu’ils peuvent inspirer l’architecte, l’influencer? De ces questions naît la plupart de nos hypothèses. En premier lieu, nous nous attendons de voir que les idées de l’architecte étaient vérifiées dès qu’elles avaient pris leur orientation dans le contexte. Cette modification importante du concept serait liée à la volonté de l’architecte de s’approprier le site, de le transformer en fragment de son projet. Dans ce travail, qui prend pour exemple six projets réalisés des institutions marquantes, nous avons tout d’abord essayé, dans la mesure du possible, de recréer l’état du contexte lors de l’édification. Consacré à ce but, le travail de recherche fait appel à des ressources cartographiques et aux archives régionales. Sur le fond « rétabli » du territoire, nous avons ensuite étudié le développement des projets choisis. Notre analyse démontre que Louis Kahn s’est énormément intéressé à l’environnement de ses travaux. Dans ses dossiers, recueillis par les Archives d’architecture de l’Université de Pennsylvanie, nous en trouvons plusieurs traces. À travers une documentation extensive concernant la localisation du projet, l’architecte cherche à identifier les lieux privilégiés du territoire qu’il veut ensuite faire les siens. À chaque fois, il veut en profiter pour créer une œuvre d’architecture unique. Le rôle que le territoire joue dans les projets contribue au développement de la méthode de l’architecte. Nous ne pouvons pas dissocier les principes opératoires et les concepts théoriques que l’architecte propose et l’expérience qu’il gagne au cours de ses travaux. Les différents endroits dans lesquels il construit et les différentes institutions qui sont ses clients offrent à Kahn une source des réflexions générales sur l’architecture et, par conséquent, ils contribuent à sa théorie professionnelle. Leur apport est pourtant d’une nature différente. Tout au long de sa carrière, Louis Kahn élabore une série de principes que nous pouvons définir comme ses « outils » du placemaking. Avant tout, c’est l’appropriation de l’échelle du territoire. À travers une étude patiente, l’architecte teste l’échelle du site pour identifier ses lieux privilégiés. Il les transforme ensuite en termes des concepts architecturaux. En outre, Kahn profite souvent de la pente pour améliorer son projet. L’usage de la pente se traduit non pas seulement par le choix du niveaux de référence, mais aussi par la définition du caractère distributif ainsi que des rapports hiérarchiques dans le bâtiment. Le troisième exemple de «l’outil» du placemaking est le traitement de l’ouverture. La recherche d’une qualité appropriée de la lumière naturelle, qui se fait dans le contexte des zones géographiques différentes, amène l’architecte à des conclusions générales et à une théorie de la lumière. Enfin, la notion de la façade est également l’un des concepts cruciaux dans l’œuvre mature de Kahn. Étant une réponse que l’architecte adresse aux caractères historiques du lieu, la façade fait aussi référence à la notion du rapport entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment. Les « outils » du placemaking, dont quelques exemples nous avons évoqués ci-dessus, constituent les éléments inhérents à la méthode de Louis I. Kahn. L’importance que l’architecte leur attribue, même si moins évidente au premier abord, n’est pas inférieure à celle qu’ont les concepts théoriques et opératoires, comme par exemple le principe des espaces servants et des espaces servis. La thèse que nous avons le plaisir de vous présenter est divisé en quatre parties. Après l’introduction qui explique les objectifs de la recherche, ses hypothèses, le corpus d’étude ainsi que la méthode, nous avons dédié quelques pages sur l’histoire de l’époque. Une brève présentation de l’espace-temps dans lequel Louis Kahn a vécu et travaillé est prévue pour donner la première idée de la problématique. S’ensuivent la biographie de l’architecte et un chapitre concernant sa méthode professionnelle. Ensuite, nous présenterons l’analyse de six projets sélectionnés. Pour chacun d’entre eux, la description du territoire, illustrée par des cartes, photographies et dessins, précède l’étude des phases du développement. Enfin, la partie de la synthèse recueille les conclusions.

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