Abstract

Sur le plan du développement et de la coopération internationale et sous l’influence des grands bailleurs de fonds - Banque Mondiale en tête -, les années 1970-1980 auront été marquées par une attention particulière portées aux questions d’habitat. De grands programmes d’accession au logement (et à la propriété privée) ont été mis en place. Ils répondaient toute à la fois aux besoins urgents de populations rurales fuyant les grandes sécheresses, et aux volontés politiques d’élites utilisant l’habitat comme levier de modernisation de la société, à l’instar de l’exemple – caricatural – de la Côte d’Ivoire. Si les investissements en matière d’habitat répondaient clairement à des questions de montages économiques et de techniques de projet, ils ne prenaient pas en compte – ou si peu – les aspects sociaux. L’habitant du quartier n’était en fin de compte que le dernier maillon, « archaïque », d’un processus de modernisation, il n’était jamais véritablement pris au sérieux. Cela – entre autres causes – a mené à l’échec répété de ces grands programmes de logements. Après des années 1990-2000 de purgatoire, les programmes d’habitat semblent revenir aujourd’hui sur le devant de la scène, au Nord en tout cas. Les leçons ont été apprises, le social est maintenant compris comme une pièce importante des processus de construction de la ville. Des ateliers de concertations sont mis en place, l’auto-construction assistée devient une des pistes possibles pour les pauvres, les habitants de la ville sont considérés comme des interlocuteurs. Mais dans les deux types de programmes que nous venons de citer (techniques et sociaux), aucun ne met l’objet « habitat » au centre des préoccupations. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit, tant l’homme entretient un rapport ontologique avec sa maison, tant le vernaculaire nous enseigne le rapport entre les dispositifs techniques, les matériaux, les choix constructifs intimement liés à la société qui les produit. Là, l’habitat n’est pas un objet de consommation, mais un fondement de l’identité urbaine et, pour cela, il doit être pensé pleinement, dans sa forme, sa surface, ses ambiances, son rapport à l’intime. A travers plusieurs études menées par nous en Afrique et en Amérique Latine, nous nous proposons de montrer comment l’habitat, en tant qu’objet quotidien et identitaire, est encore le laissé pour compte des programmes de développement, mais aussi comment il serait possible de le (re)mettre au centre des préoccupations et des politiques de développement. Dans cette perspective, entre low-tech et inventions technologiques de pointe, les recherches sur les formes, sur la physique du bâtiment, les matériaux et l’architecture de l’habitat prennent tout leur sens. Notre communication essayera de répondre à différentes questions convergentes : quelles pistes pour l’habitat en tant qu’objet ? Quelle maison pour quel habitant ? Quelle technologie pour quel développement ? Et comment architectes, sociologues et ingénieurs – entre autres – peuvent-ils, à partir d’une critique des expériences existantes, construire la ville par son habitat et construire l’habitat en partant des ses acteurs sociaux, au-delà des processus de mise en œuvre, au-delà des montages économiques des projets?

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