Le projet suburbain : l'utopie réalisée de la prospérité
En tant qu’architecte, ingénieur et peut-être urbaniste, le but de cette recherche est double. D’une part, je m’intéresse à l’environnement contemporain pour explorer une forme urbaine qui se fabrique de manière quasi-spontanée en marge de la ville traditionnelle, hors de la portée des architectes ou des urbanistes. Je veux comprendre l’impact à grande échelle de cette nouvelle forme d’installation humaine. D’autre part, je m’interroge sur la manière dont se fabrique cet environnement. Je souhaite comprendre comment se déroule un projet, sur quels postulats il démarre, quels sont les acteurs qu’il rencontre, comment ceux-ci le font évoluer et en quoi il finit par devenir lui-même un acteur autonome dans le processus de conception. La réunion des notions de « projet » et de « suburbain » me permet d’explorer les relations entre la production de l’environnement et son inscription dans la société. L’idée même de projet est omniprésente dans notre organisation sociale. Elle s’étend des sphères de la conception (projet de ville, projet de bâtiment...) en passant par celles de la politique (projet social, projet économique...) et jusqu’au domaine intime (projet de vie, projet de carrière...) car le projet suburbain est avant tout le fruit d’une culture de la prospérité. La technologie et la production de masse ont permis à une large partie de la population d’accéder au rêve bourgeois de l’installation à la campagne. L’environnement suburbain permet alors de questionner les notions de naturel et d’artificiel comme conséquences directes de l’extension tentaculaire d’un confort démocratisé. La thèse est structurée en trois parties volontairement distinctes. Chacune s’appuie sur une forme différente pour en épouser la méthodologie et tirer des conclusions propres. La première partie est une enquête. Elle retrace pas à pas la genèse d’un cas concret de ville à Sénart en périphérie parisienne. Par le biais d’articles de presse, de textes officiels et d’interviews des acteurs impliqués, j’ai remonté le fil de l’histoire de la fabrication de cette ville suburbaine : ses utopies, ses controverses, ses rebondissements, ses compromis et ses désillusions. La deuxième partie est une consultation. Elle donne la parole aux différents acteurs concernés par le projet suburbain afin de cerner leurs intérêts respectifs et d’analyser la manière dont ils structurent leurs différents arguments. Au premier rang, ceux qui la font et qui l’habitent (les promoteurs, les habitants et la télévision), puis ceux qui la décortiquent et la critiquent (les chercheurs, les scientifiques et les intellectuels), et enfin ceux qui l’expérimentent pour ses qualités plastiques ou sensorielles (les artistes, les cinéastes et les musiciens). La troisième partie est une généalogie. Elle sélectionne dans l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme les germes du projet suburbain, elle remonte la chronologie de l’installation des hommes à la campagne depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Au travers d’exemples construits ou de propositions théoriques, je montrerai que les formes, l’imaginaire et la logique de « parcs en réseau » du projet suburbain s’immiscent dans la société jusqu’à devenir un modèle contemporain incontournable.
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